COVID-19 - Paroles d’infirmiers

[Paroles d’infirmiers]

 

Parce qu’il n’a jamais été aussi important de partager ses craintes, ses doutes, ses difficultés mais aussi ses espoirs. Parce que témoigner c’est aussi permettre aux autres de se rendre compte qu’ils ne sont pas seuls à vivre cette situation. Parce que partager son quotidien c’est contribuer à la prise de conscience générale…


Pour toutes ses raisons l’Ordre National des Infirmiers a souhaité recueillir et partager les témoignages d’infirmiers venus des quatre coins de la France, exerçant en établissement de soins, en Ehpad, en libéral. «Paroles d’infirmiers» relaiera plusieurs fois par semaine des témoignages d’infirmiers sous format vidéo ou écrit, que vous retrouverez sur cette page et sur notre chaine YouTube.

 

Si vous aussi, vous souhaitez partager votre témoignage, vous pouvez nous contacter à l’adresse mail
suivante : parolesdinfirmiers@ordre-infirmiers.fr

 

Témoignage #1 - Charlotte, Infirmière libérale à Paris

Témoignage #2 - Marine, Infirmière en EHPAD en Ardèche

Témoignage #3 - Morgane, Infirmière libérale dans le Gard

Témoignage #4 - Muriel, Infirmière libérale dans les Hautes-Alpes

Témoignage #5 - Stéphane, Directeur de soins en Île-de-France

Témoignage #6 - Collectif d’infirmiers libéraux, Bouches du Rhône

Témoignage #7 - Delphine, infirmière libérale en Bretagne

Témoignage #8 - Éric, infirmier libéral à Mayotte

Témoignage #9 - Anne, infirmière à la retraite qui a rejoint un service de réanimation dans le Pas de Calais

 

Pour ce neuvième témoignage, nous donnons la parole à Anne, infirmière à la retraite qui a rejoint un service de réanimation dans le Pas de Calais

04 mai 2020

Comment se passe votre quotidien ?

Je précise tout d’abord le contexte particulier de mon expérience pendant la crise : j’ai pris ma retraite le 1er janvier 2020, suite à 29 ans d’exercice en tant qu’infirmière dans un service de réanimation SMUR. Quand on m’a contactée en mars, au début de la crise du Covid, pour savoir si j’acceptais de reprendre du service en réanimation, j’ai immédiatement accepté. Pour moi, c’était une évidence.

J’ai donc retravaillé 6 jours en tant qu’infirmière dans un service de réanimation.

Je suis arrivée un lundi, au début de l’épidémie. Il y avait alors 6 lits d’occupés. Dès la fin de la semaine, le service était plein. La vague est montée très vite. Les patients étaient dans un état grave : intubés, ventilés, sédatés et bien souvent curarisés. La plupart avaient dû être placés en décubitus ventral, ce qui nécessitait beaucoup de personnel pour effectuer ces manœuvres très délicates. Leur état se dégradait extrêmement vite, sans aucun signe avant-coureur. J’ai eu un patient dont la saturation a chuté tellement brusquement qu’on a d’abord pensé qu’il s’agissait d’un problème de capteur. Il n’était pas cyanosé et ne présentait pas de difficulté respiratoire importante. Après avoir changé plusieurs fois les appareils, nous avons constaté que sa saturation avait réellement dramatiquement chuté. Ces dégradations brutales étaient impressionnantes et stressantes. 

Quelles difficultés rencontrez-vous ?

La première difficulté a concerné la mise en place du travail au quotidien. Pour répondre à l’afflux de patients, il a fallu compléter les capacités de réanimation habituelles de l’hôpital. Une salle de réveil a été transformée en service de réanimation Covid de manière très rapide. C’est dans cette salle que j’ai exercé. La mise en route a été difficile car nous n’étions pas structurés comme peut l’être un service rôdé. Il a fallu prendre vite ses marques par rapport aux patients, aux collègues, aux outils… On ne savait pas où était rangé le matériel, et il y avait très peu de place pour circuler autour des patients, qui étaient dans un état grave. C’était particulièrement stressant.

Nous avions par ailleurs des respirateurs différents de ceux utilisés habituellement. Comme le service était sous tension, il était difficile de prendre le temps d’étudier leur fonctionnement. Au fil des jours, des aides-soignantes et des étudiantes infirmières sont venues en renfort. Elles étaient perdues. Elles auraient souhaité qu’on leur apporte plus d’aide, de la formation, un accompagnement plus approfondi mais nous manquions de temps pour le faire. C’était angoissant pour elles mais elles se sont bien adaptées.

Nous avons également eu des difficultés au niveau des équipements. Au départ, nous étions parfaitement protégés :masques adéquats, charlottes, surchaussures, blouses, gants... Au bout de 3-4 jours, il n’y avait plus de blouses correctes, seulement des blouses très fines, en tissu. Nous ne nous sentions plus correctement protégées.  Nous sommes aussi passées des casaques jetables à des casaques réutilisables, à laver à la blanchisserie.

Toutefois, la plus grande difficulté pour moi a été l’organisation du service. Certaines infirmières qui étaient présentes n’avaient jamais fait de réanimation auparavant. C’est pourtant une compétence à part entière ! Quant à moi, qui était volontaire et compétente, j’ai été basculée vers un rôle d’aide-soignante au bout d’une semaine. J’étais très en colère. Je ne me suis pas sentie respectée, écoutée, reconnue pour mes compétences en tant qu’infirmière en réanimation.

De quoi auriez-vous besoin ?

J’aurais souhaité que l’on prenne davantage en compte les compétences et expériences de chacun. Être aide-soignante n’est évidemment absolument pas dégradant, mais pour être efficace il faut mettre les bonnes personnes au bon endroit. 

 

Notre huitième témoin s'appelle Éric, il est infirmier libéral à Mayotte

 

Pour ce septième témoignage, nous donnons la parole à Delphine, infirmière libérale en Bretagne

16 avril 2020

 Comment se passe votre quotidien ?

Aujourd’hui aucun de nos patients habituels n’a été touché par le Covid 19. Pour l’instant nous sommes préservés et j’espère que cela durera le plus longtemps possible. Au quotidien, nous avons un peu moins de patients car il y a moins de suivi post chirurgical. Certains de nos ainés sont également pris en charge par leurs familles. Mais l’amplitude horaire de nos tournées n’a pas changé, voire a augmenté.

Pour une prise de sang, il m’arrive de rester plus de 30 minutes car le contexte est très anxiogène : les gens ont peur pour eux et pour leurs entourages et veulent comprendre ce qui se passe. Mon rôle est aussi de les écouter, de les rassurer et de leur donner des explications quand je le peux. Aujourd’hui, je reste plus longtemps pour presque tous les soins, car les gens ont besoin de parler, d’être écoutés…

Le changement d’habitude de vie leur est très pesant (solitude, l’acheminement des courses…). Tout doit être organisé et ce n’est simple pour personne. Mais une belle solidarité s’est mise en place ! J’ai récolté des tissus et un relai a été mis en place pour confectionner des masques, des surblouses, des charlottes en tissu. Une clinique vétérinaire nous a également donné des surblouses. Des patients m’offrent spontanément des œufs, des poireaux, un bouquet de lilas, ce qu’ils ont l’habitude de faire, mais aujourd’hui c’est encore plus touchant !

Quelles difficultés rencontrez-vous ?

Il y a un mois, ma difficulté première était de trouver une organisation avec les médecins pour faire face au Covid mais, aujourd’hui, tout s’est parfaitement coordonné.

Il a également fallu se voir et échanger avec mes collègues pour s’organiser au mieux, monter des tournées Covid si besoin, prendre le strict minimum pour aller chez chaque patient, organiser la désinfection du matériel (saturomètre, brassard pour la tension..), réorganiser notre coffre (aujourd’hui plus de place pour les courses ou pour les cartables de mes enfants !)…

Le plus difficile, c’est le port systématique du masque. C’est un nouvel outil dans notre quotidien qui effraie certaines personnes. Nous devons donc expliquer que ce masque chirurgical sert à les protéger. Heureusement, beaucoup le comprennent et nous en remercient.

J’ai entendu « enlevez votre muselière » et certaines personnes portent sur moi un regard pesant lorsque je fais mes courses. C’est difficile aujourd’hui de devoir me justifier et expliquer que je suis soignante auprès de tous (notamment les forces de l’ordre, qui n’ont ni masque ni gant et qui refusent que je leur en donne), de passer devant les gens quand je fais mes courses.

L’avantage, en revanche, c’est que je trouve un sens à avoir une carte professionnelle de santé !

Aujourd’hui, je suis fatiguée physiquement. Je profite de chaque jour de repos pour essayer de ne rien faire, ce qui n’est pas simple en cette période Covid . J’ai hâte d’avoir l’esprit libéré, de ne plus m’inquiéter pour l’avenir, pour les patients, pour mon entourage. Hâte que l’on mette tous fin à ce Covid…

De quoi auriez-vous besoin ?

Juste besoin que ce virus n’existe plus. A partir de là, tout deviendra plus simple.

 

Pour ce sixième témoignage, nous donnons la parole à un collectifs d’infirmiers libéraux exerçant dans le département des Bouches du Rhône.

6 avril 2020

Comment se passe votre quotidien ?

Trois mots résument bien notre quotidien : « coordination », « action » et « travail ».
Depuis la création de notre association d’infirmiers libéraux ADIDEL, il y a quelques années, nous avons appris à nous connaitre et à nous fédérer. L’adhésion à la CPTS du pays d’Arles de certains d’entre nous, la création de notre MSP O2, ont été porteurs dans la mise en place de l’organisation des soins en période de pandémie. Les professionnels des bureaux de ces associations se sont immédiatement mobilisés et ont permis un énorme travail de coordination dans les actions à mettre en place : centre de consultations externalisées, mise en place du télésuivi et de tournées COVID pour nos patients chroniques. Nous nous sommes partagé le travail pour être les plus efficaces possible. Nous avons utilisé les moyens de communication à notre disposition, nos réseaux personnels et avons travaillé avec les différents professionnels acteurs du territoire. La communication est essentielle. Ainsi, chacun des professionnels a pu se positionner comme volontaire et/ou bénévole. Une belle chaine de solidarité !
Un autre maillon essentiel est notre municipalité, très réactive, qui a mis à disposition une salle et du matériel pour nos actions, et fait l’appel aux dons à des particuliers et entreprises. Nous remercions tout le monde !

Quelles difficultés rencontrez-vous ?

Dans nos tournées, nous avons de nouvelles missions qui s’ajoutent à nos missions habituelles. Nous avons tout d’abord un énorme travail de prévention et d’éducation à faire, notamment avec le rappel des gestes barrières, auprès de nos patients chroniques et de leur entourage. La peur du virus et le confinement les angoissent et nous devons être à leurs côtés pour les rassurer. Par rapport à leur fragilité déjà existante, nous sommes plus que vigilants quant à la surveillance de leur état général et l’apparition des symptômes COVID.
En l’absence des services d’aide à la personne, nous aidons également nos patients au quotidien : imprimer des attestations, sortir des poubelles, amener le pain… Pour effectuer ces tâches, nous manquons de matériel, pour nous protéger nous, comme pour protéger les autres. Nous avons mis en place un « Système Débrouille » en faisant appel à tout le monde : CPTS, mairies, soignants, particuliers… Nous mutualisons les ressources, mais les stocks sont largement insuffisants. Nous rencontrons également des difficultés administratives. Nous recevons beaucoup d’informations de toutes parts, il y a beaucoup de tri à faire pour garder l’essentiel et pour être efficaces. La formalisation des protocoles, des fiches outils aurait été impossible sans le petit groupe porteur des soignants déjà sensibilisés à cette gymnastique. Nous ne sommes pas juristes, juste des professionnels soignants volontaires et certains bénévoles. Nous apprenons à mesure que les difficultés se présentent.

Le temps aussi, nous en manquons. Nous sommes tous en mode COVID, nous avons tous à cœur de bien faire notre métier. Si nous ne le faisons pas maintenant nous ne le ferons jamais. Mais nous devons aussi arriver à prendre du temps pour nous reposer et pour continuer à être efficaces pour dans notre travail, mais aussi être là pour les nôtres.

De quoi auriez-vous besoin ?

Nous avons besoin de matériel ! Il est évident que le manque d’EPI est un frein à la prise en charge des patients COVID nécessitant des soins présentiels. Notre centre a des stocks pour 15 jours de fonctionnement uniquement, et nous avons fait le choix de nous consacrer à nos patients chroniques pour les soins et de suivre les patients COVID avec du télésuivi qui pourrait être développé à grande échelle. Si nous tombons malades, qui s’occupera de nos patients en ville, avec des suivis de plus en plus lourds puisque beaucoup de soins sont annulés à l’hôpital ?
Nous avons aussi besoin d’être écoutés, entendus et compris par nos instances. Sur le terrain, nous avons déployé des trésors d’ingéniosité, d’énergie. Nous sommes las d’être obligés de justifier notre existence, la qualité de nos soins à domicile, prouver notre valeur. Nous sommes sur le terrain, à domicile, tous les jours, dimanche et jours fériés compris, 365 jours par an, et ce toute l’année, pas seulement en période de crise sanitaire ! Ne nous oubliez pas lorsque la crise sera terminée !

 

Notre cinquième témoin s'appelle Stéphane, il est Directeur de soins en Île-de-France.

 

Pour ce quatrième témoignage nous donnons la parole à Muriel, infirmière libérale dans les Hautes-Alpes. 

27 mars 2020

Comment se passe votre quotidien ?

Dans notre quotidien, nos tournées se sont allégées par la force du confinement. Les familles ont pris le relai de nos passages pour soins infirmiers : préparation et délivrance des traitements et des soins d’hygiène, car ils ont eu peur d’une part que nous soyons vecteurs du virus, ce qui est légitime, et pour nous libérer du temps.

Pour autant, nous travaillons plus de 12 heures par jour, nous changeons trois fois de masque, nous rentrons chez nous épuisés. Au quotidien nous faisons face au stress et à une réflexion perpétuelle sur le comment nous procédons, sur les consignes que nous donnons aux familles, aux patients. Nous rassurons.

Devant notre pas-de-porte, une serpillère imbibée d’eau de javel, nous mettons pantalon et veste au lavage et prenons systématiquement une douche entre deux tournées Covid19+ ou suspects et classiques. Je plains les collègues du Grand-Est et de la région parisienne.

Quelles difficultés rencontrez-vous ?

Nous travaillons avec le stress sur cette vallée depuis le 17 mars. Les masques nous manquent, les surblouses (seulement 12 !) récupérées antérieurement lors de débranchement de chimio ou de perfusions. Nous n’avons pas de lunettes, pas de surchaussures.

Nous venons de prendre en charge des patients covid19+ sortis de secteur hospitalier et traités par Plaquenil 200 trois fois par jour. Et des patients suspects, venus d’ailleurs en France pour échapper à la foule des villes.

Nous prenons toutes les mesures drastiques qui s’imposent avec les moyens que nous avons et qui vont fondre comme neige au soleil - car la fréquence du suivi et de la surveillance biologique chez les patients covid19 + à domicile est de plus de trois fois par semaine sur 14 jours.

Nous avons peur et heureusement car nous nous questionnons sur les gestes pratiqués : si on a tout bien fait et a-t-on touché ceci, cela ?… Avons-nous bien désinfecté la sacoche ? La famille, le patient ont-ils bien compris les consignes de confinement, les précautions à mettre en œuvre à la maison pour les proches… Nous rassurons, nous prévenons qu’il est possible de nous rappeler si une question, un problème se posaient.

Autre difficulté : les auxiliaires de vie ne se déplacent presque plus, voire plus du tout chez les patients en perte d’autonomie. Nous voyons s’accumuler notamment chez les patients psy la vaisselle, la saleté, le linge sale etc. Même la caisse du chat n’est plus vidée…

Les kinés ne viennent plus à domicile, nos patients hémiplégiques, parkinson, pathologie rhumatismale invalidantes, après plus de dix jours de confinement tous se raidissent. Nous avons de plus en plus de mal pour les mobiliser, les laver et leur moral est en berne.

De quoi auriez-vous besoin ?

Sur le grand briançonnais, nous essayons avec les libéraux de la santé, pharmaciens, médecins, cabinets infirmiers, kinés, de monter une CPTS et nous sommes identifiables par l’ARS Gap. De ce fait toutes les infos sérieuses des Ordres et des ARS, URPS, Haut Conseil de santé, ministère des Solidarités et de la Santé circulent sur notre email CPTS. Les médecins qui ont moins de consultations redistribuent les masques là où il y a pénurie, pareil pour le gel hydroalcoolique.

Une équipe dédiée d’IDEL pour covid19+ sur la base du volontariat s’est montée sur chaque
secteur.

La solidarité prime.

Nous demandons à être testés pour être soulagés psychiquement et travailler avec moins de stress, sans diminuer notre vigilance et tout en continuant à pratiquer les bons protocoles barrières à cette propagation du virus. Nous craignons pour nos familles, nos proches et nos patients fragiles.

Nous avons besoin de connaître la vraie durée de vie de ce virus. Dans une voiture, est-ce que la désinfection du volant et du levier de vitesse est suffisante ? Quand on a marché sur un sol carrelé chez un patient symptomatique, nos chaussures vont-elles garder sous la semelle ce virus ? Les pédales de nos voitures sont sûrement contaminées. Les DASRI que nous transportons pendant 3 heures dans l’air confiné de l’habitacle transportent probablement aussi le virus.

 

Notre troisième témoin s’appelle Morgane et exerce en libéral dans le Gard 

 

Pour ce deuxième témoignage dans Paroles d’infirmiers, nous donnons la parole à Marine, infirmière en EHPAD en Ardèche.

30 mars 2020

Comment se passe votre quotidien ?

« Je travaille dans un EHPAD dans lequel vivent 80 résidents. Dès le début du mois de mars, nous avons commencé à avoir des cas de fièvre. A partir de la 4ème, nous avons fait une déclaration à l’ARS qui est restée sans réponse. Notre demande de confiner les résidents en chambre a été refusée. A croire qu’on ne prenait pas vraiment la mesure de ce qui se passait. Personne ne savait s’il s’agissait de la grippe ou d’autre chose. Pour mémoire, nous étions au début de l’épidémie et nous n’étions pas aussi avertis que nous le sommes aujourd’hui.

Petit à petit, plusieurs des résidents ont commencé à aller très mal. C’est une population fragile. Nous avons commencé à devoir envoyer deux résidents à l’hôpital dont l’un est décédé en moins de 48h. Trois autres résidents ont finalement pu être testés mais nous avons dû attendre les résultats pendant une semaine.

Pendant cette attente, nous sommes arrivés à 20 cas symptomatiques. On a commencé à enchainer les heures supplémentaires. Il n’y avait plus d’infirmière de nuit et on ne pouvait pas laisser les aides-soignantes seules.

L’hôpital a fini par nous indiquer que tous les résidents testés étaient positifs.

A partir de ce moment là, les choses ont un peu changé. Nous avons pu confiner les résidents en chamnre. Nous avons été livrés en masques chirurgicaux (mais pas en FFP2). Nous venions de passer dix jours à travailler sans protection, simplement avec des fonds de stocks récupérés de ci de là, grâce à des collègues.   

Au total, à ce jour (NDLR le 30 mars), nous comptons 17 décès, 3 résidents sont en fin de vie à l’hôpital et 3 se maintiennent en service covid à l’hôpital. »

Quelles difficultés rencontrez-vous ?

« Ça a été très dur parce que nous avons très peu de moyens. Les médecins traitants ne voulaient plus venir sur l’EHPAD. Nous avons regardé mourir nos résidents d’OAP (NDLR œdème aigu pulmonaire), de détresse respiratoire, d’hémorragies. Il y a eu une période où nous avions deux décès par jour. Nous avions très peu de médicaments. Heureusement nous en avions gardé.

Nous avons réellement vécu 15 jours de cauchemars. Et je dois avouer que nous avons eu des moments d’épuisement et de découragement.

Nous devions aussi gérer les familles, inquiètes, et qui n’avaient plus le droit de venir visiter leurs proches. Elles nous appelaient tous les jours pour prendre des nouvelles.

Au final 8 collègues ont été testés positifs dans l’équipe (cuisine et soignants). Ils n’ont été testés que parce qu’ils présentaient des symptômes.  Il n’y a pas eu d’arrêt parmi les infirmières et heureusement les aides-soignants ont pu être remplacés. C’était vraiment difficile de réussir à gérer les situations de fin de vie, tout en faisant attention à ceux qui étaient confinés sans symptôme. Même la secrétaire administrative de l’EHPAD nous a aidée en s’occupant d’accompagner des patients sains sur la terrasse.

Tout l’équipement que nous avons reçu est issu de dons : surblouse, charlottes. Les lunettes, nous les avons trouvées dans un magasin de bricolage. Je ne pourrai jamais assez remercier tous ceux qui nous aidés à les obtenir. »

De quoi vous auriez besoin ?

« Ce dont nous avons besoin avant tout ce sont des masques FFP2. L’ARS n’en fournira pas. Elle considère que les masques chirurgicaux sont suffisants.
Nous aurions aussi besoin de médicaments, de protocoles pour les soins palliatifs. Les médecins nous ont fait des ordonnances pour que nous puissions en avoir mais il n’est pas toujours facile de s’en procurer.

Il faudrait aussi élargir les dépistages. Tous les patients qui sont décédés au sein de l’EHPAD n’ont pas été testés.

L’après va être compliqué à gérer, tant pour les patients que pour nous. Une psychologue va nous suivre. Il me semble que cela va être utile à beaucoup de monde.

Ce qui se passe en ce moment montre à la France que les soignants ne faisaient pas grève ces derniers mois pour leur propre personne mais pour l’ensemble de notre système de santé. La preuve est là. Avec un peu de chance, peut-être que de tout cela sortiront des réformes appropriées et qu’on arrêtera de brader la santé… »

NB : A date du 09 avril, l’Ehpad dans lequel exerce Marine compte 20 décès, 2 résidents en fin de vie et 10 personnels positifs… mais aussi un retour d'hospitalisation, guérie !! Et 2 autres qui doivent rentrer ces prochains jours.

 

Notre premier témoin s’appelle Charlotte et exerce en libéral à Paris… 

 

 

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